mercredi 31 janvier 2007

Radio. Le phénomène Casa FM

En moins de six mois, Casa FM s'est positionnée parmi les stations généralistes les plus écoutées à Casablanca et ses environs. La recette du succès : des animateurs jeunes, des émissions originales et surtout très interactives.


Avec ses infos présentées en darija, des “envoyés spéciaux” dans les marchés de Casablanca et des talk-shows décalés, Casa FM est sans doute la radio la plus originale du moment. Cette station, qui était dirigée depuis les années 80 par l'Office des foires et expositions de Casablanca, via une convention avec la RTM et New Publicity (groupe
de communication présidé par Kamal Lahlou), a vécu une seconde naissance en juillet dernier. De nouveaux moyens, une nouvelle grille, de nouveaux studios et, surtout, une nouvelle équipe. Une équipe d'une trentaine de jeunes animateurs, qui fut, d'après les dires de Kamal Lahlou, “très difficile à composer”. Certains d'entre eux, comme Imad Kotbi, Nabil Bennani ou Khalid Nizar, sont même devenus de véritables célébrités à Casablanca.

La radio “qui écoute”
“Casa FM, la radio qui vous écoute”. Le slogan publicitaire de la station suffit à définir son orientation. “Cette une radio qui s'intéresse à la vie quotidienne de ses auditeurs, qui s'efforce de trouver des réponses à leurs attentes”, précise Kamal Lahlou. C'est d'ailleurs autour de ce concept qu'ont été développées la majorité des émissions. Tout d'abord Sbah El Khir Ya Bladi, animée par le très sympathique Nabil Bennani, Nab pour les intimes. Au programme de cette matinale quotidienne, qui démarre à 6 heures : des jeux, des chroniques et des bulletins infos ou météo, le tout prétexte à l'intervention des auditeurs, via des dizaines de coups de fil. Certains appellent pour donner leurs avis sur des sujets bien précis (la pollution, le froid, le mariage, etc.), alors que d'autres posent des questions d'ordre pratique, à l'image de cette dame qui a appelé pour savoir si elle pouvait trouver du miel bio au Marché central de Casablanca !

Dans un autre registre, plus sérieux et limite mélo, l'émission Al Wassit (le médiateur) connaît autant de succès. Chaque mardi soir, Mounir Oubri et Lahcen Aït Belaïd (le prédicateur décontracté, M. Religion attitré de la station) donnent la parole à des auditeurs aux requêtes bien précises. Certains veulent régler des conflits avec des membres de la famille, d'autres sont à la recherche de proches qu'ils ont perdus de vue, sans oublier les nécessiteux qui sollicitent des bienfaiteurs pour financer des opérations chirurgicales. Une émission 100% sociétale, qui joue explicitement sur la fibre solidaire des auditeurs. Quitte à donner un coup de pouce à leur spontanéité. “J'ai engagé un détective privé pour faire des recherches sur les personnes perdues de vue. Il fait une description détaillée des personnes disparues, de sorte à ce que les auditeurs puissent avoir une idée précise sur les personnes recherchées par les auditeurs”, affirme Kamal Lahlou. De son côté, Lahcen Aït Belaïd se dit toujours très ému de voir que la solidarité au Maroc est toujours de mise. “Très souvent, je reçois des nouvelles d'auditeurs qui ont passé des appels aux cours de notre émission et qui me disent qu'ils ont trouvé des bienfaiteurs pour les aider dans leurs requêtes”. C'est à ce même animateur que l'on doit l'émission religieuse du vendredi, intitulée Dine Wa Mouâamalat. Une grande partie des interrogations auxquelles il a affaire est liée aux relations hommes - femmes. Et Aït Belaïd met un point d'honneur à rester toujours très “soft” dans ses réponses, expliquant que son but “est de transmettre des messages positifs, de faire comprendre aux auditeurs que l'islam est d'abord une religion de tolérance et d'espoir”. Ce qui justifie sûrement le nombre élevé d'appels, de SMS et de fax que reçoit son émission. Les Marocains ont besoin d'être rassurés sur certains points religieux, et Aït Belaïd sait parfaitement le faire.

Touche Originale
Ce qui fait également la force de Casa FM, c'est l'originalité de certaines émissions de sa grille, qui allient proximité avec l'auditeur et humour. Aïn âala Souk est sans aucun doute une des émissions les plus étonnantes de la station. Un concept pratiquement jamais vu auparavant : chaque matin, de 10h15 à 11h, Khalid Nizar, autre star de la station, est envoyé en reportage dans un marché. Il donne l'historique du lieu, rend visite aux marchands de fruits et légumes, s'informe sur les prix du jour et va même jusqu'à donner des conseils culinaires. Et ça marche ! L'animateur lui-même n'en revient toujours pas : “parfois, il y a même des clients en taxi qui viennent me rejoindre sur place pour acheter des produits chez le marchand que je viens d'interviewer à l'antenne. C'est la preuve qu'ils ont confiance en l'émission et qu'ils savent qu'ils rempliront leur panier avec les véritables prix du marché”. Khalid Nizar squatte également une autre tranche horaire phare de la station, celle de 18h-19h45, qui correspond à la sortie des cours et du travail. Istirahat Al Massaa (littéralement “la récréation du soir”) se doit donc d'être légère et divertissante, histoire d'aider les auditeurs à décompresser. La recette : jeux et blagues bon enfant, composant un mets de choix pour les Casablancais coincés dans les embouteillages. Le jeu le plus apprécié reste le classique “Ni oui, ni non”, où l'auditeur doit absolument éviter de prononcer l'un de ces deux mots pour gagner.
Fous rires garantis également sur le plateau du Kotbi Show, talk-show décalé, diffusé tous les soirs en semaine, de 20h à 22h. Son animateur, Imad Kotbi, a fait énormément parler de lui ces derniers temps en battant le record du monde de l'émission radio la plus longue ! Avec ses cinquante heures d'émission non stop, il a délogé l'animateur télé français, Arthur, du livre Guinness des records, excusez du peu !

Mais bien avant cet exploit, Kotbi était déjà populaire auprès des auditeurs casablancais. Pas étonnant lorsque l'on écoute son émission, l'une des plus rafraîchissantes du paysage radiophonique marocain. Invités, parodies, canulars téléphoniques, jeux et chroniques se succèdent dans la joie et la bonne humeur. Accompagné de deux chroniqueurs, Zineb et Mehdi, Imad définit son talk show comme une sorte de “posage entre potes auquel l'auditeur est invité à prendre part”. À ceux qui critiquent le show pour son humour parfois sans subtilité ou pour une certaine incohérence, Imad répond que c'est justement ce qui fait l'originalité du concept : “Au Maroc, les auditeurs ne sont pas habitués à des émissions où le secret est dans la parlotte et l'interactivité, alors qu'ailleurs, c'est quelque chose de très courant. Si on a du mal à suivre, c'est normal de ne pas apprécier ce genre de talk show”.

En tout cas, l'audience semble répondre présent. Deux sondages, réalisées par Créargie et LMS-CSA, placent Casa FM en tête des radios généralistes sur Casablanca en matière de popularité. Les stations concurrentes, certes plus récentes, ont du pain sur la planche.





Concept. Dima Dima Darija !

Impossible de monter une radio de proximité et toucher une large cible sans opter pour la darija. Cela, Kamal Lahlou, le patron de Casa FM, en est profondément convaincu. C'est pour cela qu'il a fait de la station une radio “darijiste” à 80%, allant jusqu'à demander explicitement à ses animateurs d'évacuer au maximum l'arabe classique et le français de leurs prestations à l'antenne.
Même le bastion ultime, celui des infos, n'y a pas résisté : le flash quotidien est également présenté en arabe dialectal ! Un peu déconcertant au début, ce concept a finalement trouvé son public. Ce dernier déguste sans modération l'information nationale, relayée par des correspondants dans plusieurs villes du pays, où l'info internationale, qui a soudain un nouveau “goût” en darija. Dans le même ordre d'idées, l'émission Maâ Alhadat a, quant à elle, pour objectif d'expliquer en darija les discours royaux, parfois peu accessibles au citoyen lambda. Une bonne initiative, qui redonne à la darija la place qu'elle mérite sur nos ondes. Itoube.

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